jeudi 28 novembre 2013

Insouciance environnemental de la Malaisie

Depuis que je suis toute jeune que ma famille m'a enseignée à respecter et à protéger notre planète. Depuis des années que les médias et que les scientifiques nous parlent du réchauffement climatique, des gaz à effet de serre, des eaux polluées, des catastrophes naturelles dont la puissance augmente anormalement et de la fonte alarmante des glaces, tous causés par la surconsommation et l'insouciance humaine. J'ai appris depuis enfant à porter des gestes simples au quotidien pour aider à la sauvegarde et à la propreté de l'environnement: jeter les matières recyclables dans le bac à récupération, utiliser des sacs réutilisables pour mes achats, éviter de prendre pour emporter si ce n'est pas nécessaire, faire du covoiturage, etc. De petites actions toutes simples, à porté de tous.

Tout de même, au Québec, j'ai vécu de nombreuses frustrations et beaucoup de découragement face à l'absence d'esprit écologique humaine. J'ai été témoin d'amis qui jetaient leur verre à Slush par terre dans la ruelle alors qu'il y avait une grosse poubelle à 5 mètres de distance. Ou mieux, un bac de récupération était également accessible. J'ai eu droit à des rires lorsque je leur conseillais amicalement de bien vouloir jeter leur slush dans un endroit approprié. Puis un regard de mépris lorsque je me suis vu ramasser le déchet moi-même face à leur refus. J'ai aussi méprisé les familles qui ont toujours des grosses caisses de bouteilles d'eau accessibles à la maison, alors qu'il serait si facile d'utiliser une belle gourde réutilisable et d'utiliser le robinet, nous qui avons cette chance d'avoir de l'eau potable. J'ai aussi été déçue de constater que la cafétéria de l'école sert la nourriture dans des assiettes de styromousse et nous offre des ustensiles en plastique. J'ai aussi regretté le manque de bacs à récupération disponibles dans ce même endroit, mais surtout la stupidité des jeunes qui jettent leur canette dans la poubelle alors qu'il y a un bac pour récupérer les canettes un peu plus loin. Parce que marcher quelques mètres de plus, ça n'a jamais tué personne. J'ai aussi été déçue de voir qu'autant de gens n'apportent pas leurs sacs à l'épicerie, ayant été caissière. Mais je l'ai été encore plus lorsqu'un client me demandait un sac pour son sac de chip. Je n'ai aussi toujours pas compris pourquoi il n'y a pas de bac de récupération à la Scène Évolu-Son, avec la quantité phénoménale de papiers qu'on doit jeter à la fin de chaque match d'impro. J'ai aussi été dégoûtée de nombreuses fois en observant tous les déchets sur le bord de notre belle piste cyclable, dans les rues en ville et encore plus dans les cours d'école.

Niveau environnemental, ma foi en l'humanité se situait déjà assez bas. Mais il y avait beaucoup de gens pour me permettre de garder espoir: ma prof d'histoire de secondaire 2 qui se rendait à tous les jours à l'école à pieds ou en autobus de ville malgré les 4 kilomètres la séparant de son lieu de travail et le fait qu'elle possède une voiture, mon amie d'enfance qui s'arrête sur le trottoir pour ramasser un déchet qui ne lui appartient pas et le jeter un peu plus loin dans une poubelle (Clara, je parle de toi), mon père qui prend soin de son composte à merveille et ma belle-mère qui nous chicane si on oublie et qu'on jette notre pelure de banane dans la poubelle, ce client qui allait toujours à l'épicerie en vélo et qui s'apportait un gros sac à dos pour rapporter ses aliments, la dame qui nettoie la cafétéria qui passait à tous les jours de table en table ramasser les canettes pour s'assurer qu'elles aillent bien dans le bac pour objets consignés et qui en ramassait même quelques-unes dans la poubelle, le vieil homme qui avait passé dans le journal parce qu'il avait passé des après-midi à ramasser tous les déchets sur le bord du Lac Osisko sans que personne ne lui ait rien demandé, et plusieurs autres. J'avais donc quand même un peu espoir que peut-être les gens allaient changer et faire quelque chose pour arrêter le scandale qui s'en vient, puisque j'étais aussi témoin de beaucoup de personnes soucieuces de l'environnement et qui font de réels efforts quotidiennement. 

Et puis il y a eu cette immersion. Je ne m'étais pas du tout préparé à ça. Mon plus gros choc culturel, après la nourriture, fut sans doute le recul environnemental de la Malaisie. J'ai été tellement choquée par tout ce que je voyais que oui, je l'avoue, il m'est arrivé d'en pleurer, ou du moins d'avoir les yeux pleins d'eau et d'essayer de me contenir parce que j'étais en public. Cette insouciance additionnée à l'omniprésence de la religion pourrait me donner l'impression, en plus d'avoir changé de pays, d'avoir fait un saut dans le temps. Mais non, nous sommes bien en 2013. Beaucoup de gens ont des téléphones intelligents, la majorité de la population a accès à internet, même les plus pauvres ont au moins une télévision pour écouter les nouvelles et les gens sont autant connectés au monde que nous le sommes. L'information devrait donc s'être rendue pourtant. Avec une température moyenne annuelle le jour de 32°C, il me semble qu'ils devraient être les premiers à se soucier du réchauffement climatique. Les plus grands scientifiques envoient des cris d'alerte partout dans le monde, l'Antarctique et l'Arctique qui fondent à une vitesse dangereuse, la température des océans qui ne cesse d'augmenter, le seuil de non-retour disant que nous devons éviter que l'augmentation de la température moyenne mondiale du 21e siècle atteigne les 2 degrés car il serait alors trop tard, etc. Avec l'accès à toutes les technologies, les Malaisiens devraient au moins en avoir entendu parler il me semble.

Mon initiation au recul environnemental de la Malaisie s'est effectué durant ma première journée dans la maison qui est maintenant devenue mon chez-moi. J'étais en train de vider mes bagages et de m'installer et, je ne me souviens plus c'était quoi exactement, mais j'avais un carton de quelque chose à me débarrasser. J'ai donc demandé à un membre de la famille s'il y avait de la récupération. La réponse fut négative: pas de récupération par ici. J'ai donc dû jeter le carton à la poubelle, geste que je trouve dégueulasse et qui me fait me sentir sale à chaque fois que je m'y vois obligée.

Un autre facteur de pollution qui est très important en Malaisie est l'émission de gaz à effet de serre causé par les véhicules. Ici, c'est comme s'il n'y avait qu'un seul moyen de transport: la voiture (et la moto). Les routes dans la plupart des villes de laissent aucune place pour les piétons ou les cyclistes, et il est donc très rare d'en voir. De plus, les transports en commun, exceptés à Kuala Lumpur, ne sont que très peu présents et pas toujours très pratiques. Et les gens n'aiment pas les utiliser. Même pour l'école, il n'y a pas de système d'autobus scolaires. Il y a bien quelques travailleurs indépendants qui se créent une vanne pour écoliers ou un petit autobus, mais ces services sont très dispendieux et ne sont pas disponibles dans tous les quartiers. Résultat: 95% des élèves vont à l'école en voiture, soit avec un parent, un grand frère ou autre. Ça crée un beau bouchon en avant de l'école à tous les matins et à tous les fins de cours. De plus, le covoiturage ne semble pas très populaire par ici. Les gens ne se posent pas de question, s'ils veulent aller quelque part, ils prennent la voiture, c'est tout. Il y a beaucoup de trafique. 




Mais le plus stupide... ILS CHAUFFENT LEUR CHAR. Ils attendent de 5 à 15 minutes avant de rouler car il faut supposément réchauffer le moteur. Au début, je croyais que c'était peut-être pour attendre que l'air climatisé fasse effet. J'ai constaté assez vite que ce n'était pas la raison, car il arrive qu'ils attendent dans la voiture, qui est en marche, avant de commencer à rouler. Et ils font ça aussi le soir, alors que la température extérieur est très confortable et que l'air climatisé n'est pas indispensable. Donc non, ce n'est pas pour refroidir l'intérieur de la voiture comme je le pensais au départ, mais bien pour réchauffer le moteur. Au Québec, durant l'hiver, lorsqu'il fait -30°C dehors, je peux comprendre, oui, que tu peux vouloir réchauffer le moteur. Mais en Malaisie, alors que la température se situe autour de 32°C le jour et autour de 25°C le soir, je crois que ce n'est pas nécessaire! Il m'arrive souvent de faire du jogging dans mon petit quartier le soir et de voir une voiture en marche. Je me dis bon, ok, il s'en va quelque part. Lorsque 3 allers-retours plus tard (1,5 km), je repasse devant la maison et que la voiture est encore immobile et en marche, ma sérénité du moment a tendance à laisser place à des insultes mentales et à du mépris à l’intention du conducteur. En plus de ça, les gens n'éteignent pas leur moteur lorsqu'ils arrêtent au dépanneur, ou lorsqu'ils attendent leur enfant à la sortie de l'école.

Mais le plus frappant: LES SACS. Chose qui m'est arrivée aujourd'hui: je suis allée à un dépanneur avec ma sœur d'accueil afin d'acheter les ingrédients qui manquaient pour faire mon macaroni et mes muffins choco-banane (tous deux furent délicieux, soit dit en passant) et j'ai apporté un sac réutilisable, comme je le fais toujours. Arrivée à la caisse, je donne le sac au caissier et je lui dit, dans un malais fort compréhensible: «Utilise ce sac.» Il me regarde avec un air d'incompréhension, prend le sac et le déplace tranquillement vers le bas du comptoir (voulait-il le jeter? Je ne le saurai jamais). Je lui prends donc des mains, déplie le sac pour lui montrer et lui répète: «Utilise ce sac. Rentre les choses dans le sac!» J'ai du répéter la dernière phrase deux fois, puis il a fini par s'exécuter, incertain et toujours avec ce regard de gars qui ne comprend pas trop ce qui se passe et qui se demande pourquoi cette jeune fille devant lui est si étrange, puis a murmuré quelque chose à ma sœur d'accueil. Je n'ai pas entendu, mais j'ai entendu Atun répondre: «Comment veux-tu que je le sache.» Sur le chemin du retour, j'ai demandé à Atun c'est quoi qu'il avait dit avant ça et elle m'a dit: «Pourquoi elle n'utilise pas un sac de plastique?» J'ai donc regretté de ne pas avoir compris sur le coup, j'aurais pu lui répondre «Parce que je respecte notre planète, contrairement à toutes les personnes ici.» J'aurais probablement eu l'air encore plus folle à leur yeux, mais ça aurait dont fait du bien. Avec la réplique de ma sœur d'accueil, on peut comprendre qu'elle fait partie de ces personnes aussi. 

Ce genre d'événement m'arrive régulièrement. Presque à chaque fois que je présente un sac réutilisable à un caissier ou un empaqueteur, celui-ci ne comprend pas et je dois l'arrêter pour ne pas qu'il prenne un sac de plastique. Est-ce si compliqué? 

Continuant dans le sujet des sacs, c'est ridicule comme les Malaisiens utilisent des sacs pour n'importe quoi. Tu achètes un smooties dans un comptoir à breuvages; ils te le mettent dans un sac. Tu achètes un bracelet (et tu as une sacoche); ils te le mettent dans un sac. Tu achètes une barre de chocolat; ils te la mettent dans un sac. Tu as déjà trois sacs dans les mains? Pas grave, pourquoi pas un nouveau! Aussi, ils ne remplissent tellement pas les sacs à leur pleine capacité. Un jour, un caissier a mis mon sac de pomme dans un sac... puis a changé de sac pour continuer. Et lorsque je mentionne que je ne veux pas de sac, j'ai droit à un regard surpris et souvent même, ils vont me mettre un sac quand même. Saya tak nak beg, tak susah faham itu!! (Je ne veux pas de sac, ce n'est pas compliqué à comprendre!!). Il me semble que mon malais n'est pas si mauvais que ça et que les gens doivent comprendre quand je dis une phrase simple comme «Je ne veux pas de sac». Les clients sont autant fautifs que les travailleurs, car ils ne se posent pas de question, ils ne font que prendre les sacs sans rien dire puis les jettent à la poubelle en revenant à la maison. C'est normal, routinier et ça fait partie de leur quotidien. Pourquoi changer? C'est tellement plus facile de se fermer les yeux. 

Outre tout ceci, évidemment, bien que certaines villes affichent de belles pancartes comme «Kajang bersih dan hijau» (Kajang propre et vert), on trouve des quantités hallucinantes de déchets sur le bord des routes et un peu partout. Lorsque nous sommes dans des villages, on voit aussi très souvent des gros tas de déchets. J'imagine que les camions à poubelle ne se rendent peut-être pas et qu'ils doivent donc se créer leur dépotoir personnel.

Samedi dernier, alors que j'étais au mariage de la grande sœur de mon amie Gladys, j'ai rencontré la première personne conscientisée environnementalement depuis que je suis en Malaisie. Ça existe donc? On discutait de ce qu'on pense de la Malaisie en général et elle a commencé elle-même a mentionner la sur-utilisation des sacs, sans que je n'ai abordé le sujet. Je n'y croyais presque pas! Elle a dit que quand elle va aux espèces de marchés extérieurs où ils vendent de la nourriture prête-à-manger, elle apporte ses plats de plastiques et leur demande de mettre la nourriture dedans, mais souvent, ils refusent et insistent pour utiliser les sacs. Ils sont habitués comme ça, peut-être ça les déstabiliserait un peu trop de changer la routine? C'est tellement ridicule! Mais ça m'a fait sourire et me sentir mieux, car pour la première fois en Malaisie, quelqu'un me comprenait. Alors que je croyais cela impossible, j'ai finalement trouvé une personne qui se souci au moins un peu de l'environnement. C'est très peu une personne en 4 mois, mais c'est assez pour redonner un petit brin d'espoir. Malheureusement, ce fut assez bref et ma petite foi fut détruite à nouveau plus tôt aujourd'hui.

Bref, à quiconque se souciant de l'environnement et prévoyant voyager dans ce coin de l'Asie, ne faites pas comme moi et préparez-vous mentalement avant de venir. Je me suis maintenant créée une espèce de bulle d'insensibilité et ça ne m'affecte plus autant de voir tous ces gens qui réchauffent leur voiture, de jeter du carton à la poubelle ou bien de remarquer des personnes avec une dizaine de sacs de plastiques presque vides au centre d'achat. Par contre, ça m'a pris un certain temps et ce fut très difficile au début. Maintenant, j'essaie de me contenter des petits gestes que je peux moi-même poser sans trop regarder autour de moi et observer les autres. Je me ferme les yeux devant le problème, parce que je me sens impuissante. Je n'ai pas le choix de devenir aveugle un peu, comme les autres, si je ne veux pas déprimer toute l'année et que je veux bien profiter de mon expérience. 

Merci de m'avoir lu jusqu'au bout. Et inquiétez-vous pas, j'adore la Malaisie, mais cette petite rage devait sortir à un moment ou un autre.


À la prochaine,

Alice













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